La Cour de cassation a confirmé que l’extradition d’un ressortissant étranger peut être autorisée même lorsque celui-ci encourt une peine de réclusion à perpétuité, dès lors que cette peine n’est pas manifestement disproportionnée. Cette décision précise les critères d’appréciation du caractère excessif d’une peine encourue à l’étranger, dans le respect des exigences de la Convention européenne des droits de l’homme.

Un contrôle au cas par cas de la gravité des faits

L’affaire concernait un ressortissant sud-coréen recherché pour des infractions économiques majeures portant sur plusieurs milliards de wons. Les juges d’instruction ont relevé que les faits reprochés, s’ils étaient commis en France, pourraient être qualifiés d’escroquerie, d’abus de confiance ou encore de délit d’initié. Ils ont estimé que la gravité intrinsèque des infractions et les montants financiers impliqués justifiaient que la peine de réclusion à perpétuité prévue par la loi coréenne ne puisse être qualifiée de manifestement disproportionnée.

Une appréciation stricte du droit européen

La défense invoquait l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme pour contester l’extradition, estimant que les peines perpétuelles pour des faits économiques ne répondaient pas aux critères d’exception posés par la Cour européenne. La Cour de cassation rappelle cependant que le caractère manifestement disproportionné d’une peine doit s’apprécier strictement, et uniquement dans des cas très exceptionnels, selon la jurisprudence européenne (CEDH, Harkins et Edwards c/ Royaume-Uni).

La possibilité d’une libération conditionnelle comme critère déterminant

Un élément décisif a pesé dans l’appréciation des juges : la législation coréenne permet une libération conditionnelle après un tiers de la peine, ou après vingt ans en cas de perpétuité. Ce mécanisme garantit que la peine, bien que lourde, ne constitue pas une condamnation irréversible. La Cour de cassation a ainsi rejeté le pourvoi, soulignant que l’existence d’un régime d’aménagement de peine excluait tout risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de la Convention.
 
Cette décision illustre l’équilibre délicat entre coopération judiciaire internationale et respect des droits fondamentaux. Elle confirme que la simple différence entre les systèmes répressifs ne suffit pas à bloquer une extradition. Seules des circonstances exceptionnelles, combinées à une absence de garantie procédurale ou pénale, peuvent justifier un refus. Une approche pragmatique qui conforte la légitimité des décisions souveraines dans le cadre de l’entraide pénale.
 
Cass. crim., 6 mai 2025, n° 24-85.773, B+L